Immobilier en montagne été/hiver : double saisonnalité

Le marché immobilier en montagne possède une caractéristique unique : sa double saisonnalité. Contrairement aux destinations côtières qui vivent principalement l’été, les régions montagneuses attirent les visiteurs tant en période hivernale pour les sports de neige qu’en période estivale pour la fraîcheur et les activités de plein air. Cette particularité transforme profondément l’approche des investissements immobiliers dans ces zones. Entre rentabilité optimisée, gestion adaptée et évolutions des attentes des vacanciers, la double saisonnalité représente à la fois un défi et une formidable opportunité pour les propriétaires et investisseurs. Examinons comment ce phénomène façonne le marché immobilier montagnard et quelles stratégies adopter pour en tirer le meilleur parti.

La transformation du marché immobilier montagnard : d’une mono à une double saisonnalité

Historiquement, l’immobilier en montagne était principalement orienté vers la saison hivernale. Les stations de ski se développaient autour d’une économie centrée sur les sports d’hiver, avec des infrastructures et des logements conçus pour accueillir les passionnés de glisse. Cette mono-saisonnalité a longtemps caractérisé le marché immobilier montagnard, créant des zones très animées pendant quelques mois puis quasiment désertées le reste de l’année.

Depuis les années 2000, une mutation profonde s’est opérée. Face aux défis du changement climatique et à l’évolution des habitudes touristiques, les stations ont progressivement développé leur attractivité estivale. Cette transition n’a pas été uniforme : certaines stations comme Chamonix ou Megève ont toujours bénéficié d’une fréquentation estivale significative, tandis que d’autres ont dû réinventer complètement leur offre.

Les facteurs ayant accéléré cette mutation vers la double saisonnalité sont multiples :

  • L’incertitude croissante concernant l’enneigement dans les stations de moyenne altitude
  • La recherche de rentabilité accrue pour les infrastructures touristiques
  • L’engouement pour le tourisme vert et les activités de pleine nature
  • La valorisation du patrimoine naturel et culturel montagnard

Les disparités entre massifs et stations

Cette évolution vers la double saisonnalité ne s’est pas produite de manière homogène. Les Alpes du Nord, avec leurs sommets élevés, conservent un avantage pour la saison hivernale mais ont considérablement développé leur offre estivale. Les Alpes du Sud et les Pyrénées, bénéficiant d’un climat plus clément, ont naturellement une meilleure répartition entre fréquentation hivernale et estivale.

Les stations se distinguent également par leur positionnement. Les stations d’altitude, souvent dédiées au ski sportif, rencontrent plus de difficultés à développer une saison estivale attractive que les villages-stations intégrés dans un environnement naturel et culturel riche. La présence de lacs, de patrimoines historiques ou de parcs naturels constitue un atout majeur pour attirer les visiteurs en été.

Sur le plan immobilier, cette transformation a engendré une revalorisation des biens situés dans les zones bénéficiant d’une double saisonnalité équilibrée. Les prix au mètre carré dans des stations comme Annecy, La Clusaz ou Morzine témoignent de cette prime à la double saisonnalité, avec des valorisations supérieures à celles de stations uniquement orientées vers les sports d’hiver.

Pour les investisseurs, cette évolution a considérablement modifié les critères d’analyse de rentabilité. Un bien pouvant être loué huit mois par an plutôt que quatre représente une opportunité bien plus intéressante, même si les loyers de la saison estivale sont généralement inférieurs à ceux pratiqués en hiver. Cette nouvelle donne a également encouragé la rénovation et la montée en gamme du parc immobilier existant pour répondre aux attentes différentes des clientèles d’été et d’hiver.

Analyse comparative des spécificités des deux saisons

Les saisons hivernale et estivale en montagne présentent des caractéristiques distinctes qui influencent directement le marché immobilier. Comprendre ces différences est fondamental pour tout investisseur ou propriétaire souhaitant optimiser son bien.

La saison hivernale : tradition et forte rentabilité

La saison hivernale reste le pilier traditionnel de l’économie montagnarde. Elle se caractérise par :

Une durée relativement courte mais intense, généralement de décembre à avril, avec des pics de fréquentation durant les vacances scolaires. Cette concentration temporelle crée une forte pression sur les prix locatifs, particulièrement pendant les semaines les plus prisées comme Noël, Nouvel An et février.

Une clientèle majoritairement familiale, avec des séjours moyens d’une semaine, très attachée à la proximité des pistes. Cette clientèle recherche avant tout des logements fonctionnels, bien équipés pour le ski, avec des espaces de rangement adaptés aux équipements sportifs. Les biens situés en pied de pistes ou à proximité des remontées mécaniques bénéficient d’une prime considérable, tant à la vente qu’à la location.

Des tarifs locatifs élevés, pouvant atteindre dans les stations prestigieuses des Alpes comme Courchevel ou Val d’Isère plusieurs milliers d’euros par semaine pour un appartement familial. Cette forte rentabilité sur une période concentrée a longtemps justifié l’investissement malgré les périodes d’inoccupation.

La saison estivale : diversification et nouvelles opportunités

La saison estivale présente un profil bien différent :

Une durée potentiellement plus longue, de juin à septembre, voire mai à octobre dans certaines régions, mais avec des pics de fréquentation moins marqués, à l’exception du mois d’août. Cette répartition plus équilibrée permet une gestion locative plus souple.

Une clientèle plus diversifiée, incluant des familles, des couples, des groupes d’amis et de plus en plus de sportifs (randonneurs, vététistes, traileurs). Les séjours sont souvent plus courts mais peuvent se répéter, avec une tendance aux week-ends prolongés en début et fin de saison.

Des attentes différentes concernant le logement : la proximité des pistes perd de son importance au profit d’autres critères comme la vue, l’exposition, la présence d’un balcon ou d’une terrasse, l’accès à un jardin ou la proximité des sentiers de randonnée. Les biens situés dans les centres-villages, près des commerces et animations estivales, gagnent en attractivité.

Des tarifs locatifs généralement inférieurs à ceux de l’hiver, mais appliqués sur une période potentiellement plus longue. Le rapport entre les tarifs hiver/été varie considérablement selon les destinations : dans certaines stations très orientées ski, le ratio peut atteindre 3:1, tandis que dans des destinations à double saisonnalité équilibrée, il peut se limiter à 1,5:1.

Cette comparaison met en lumière l’évolution des critères de valeur immobilière en montagne. Si la proximité des pistes reste un facteur déterminant du prix des biens, d’autres éléments prennent de l’importance : l’ensoleillement, la qualité des espaces extérieurs, l’accessibilité aux activités estivales, la vue. Les biens bénéficiant de ces atouts pour les deux saisons connaissent une valorisation supérieure et une meilleure résilience face aux aléas du marché.

Stratégies d’investissement adaptées à la double saisonnalité

Face à cette évolution vers une double saisonnalité, les stratégies d’investissement immobilier en montagne doivent s’adapter. Plusieurs approches se distinguent selon les objectifs, les moyens et l’implication souhaitée par l’investisseur.

Sélection optimale de l’emplacement

Le choix de la localisation devient plus complexe avec la double saisonnalité. Au-delà de la simple proximité des pistes, l’investisseur avisé prendra en compte :

Le positionnement de la station sur les deux saisons. Les données de fréquentation touristique estivale et hivernale, disponibles auprès des offices de tourisme, constituent un indicateur précieux. Une répartition équilibrée (40% été / 60% hiver par exemple) témoigne d’une station ayant réussi sa diversification.

L’altitude du bien, qui joue un rôle ambivalent : si une altitude élevée sécurise l’enneigement hivernal, elle peut raccourcir la saison estivale et limiter la végétation environnante. Les biens situés entre 1000 et 1500 mètres d’altitude offrent souvent un bon compromis.

La situation dans la station doit être analysée sous l’angle des deux saisons. Un appartement en front de neige, idéal en hiver, peut se trouver éloigné des animations estivales concentrées dans le centre-village. À l’inverse, un chalet en lisière de forêt, moins pratique pour l’accès aux pistes, séduira par son cadre naturel en été.

La proximité des activités estivales devient un critère déterminant : accès aux sentiers de randonnée, aux pistes de VTT, aux lacs ou plans d’eau, aux infrastructures sportives et culturelles ouvertes l’été.

Caractéristiques et aménagement du bien

Pour maximiser l’attrait du bien sur les deux saisons, certaines caractéristiques deviennent prioritaires :

  • Les espaces extérieurs (balcon, terrasse, jardin) suffisamment grands pour être utilisés en été
  • La qualité de l’isolation thermique, pour le confort hivernal mais aussi pour la fraîcheur estivale
  • La modularité des espaces, permettant d’adapter le logement aux besoins différents des vacanciers d’hiver et d’été
  • Les équipements polyvalents : local à ski convertible en local à vélos, buanderie pour sécher les vêtements de ski ou les tenues de randonnée

L’aménagement intérieur mérite une attention particulière. Une décoration trop typée « chalet d’hiver » avec fourrures et tissus lourds peut rebuter les vacanciers estivaux. Une approche plus équilibrée, jouant sur les matériaux naturels comme le bois et la pierre, tout en introduisant des touches de légèreté et de couleur, séduira les deux types de clientèle.

Modèles économiques et rentabilité

Plusieurs modèles économiques s’offrent aux investisseurs :

La location saisonnière directe sur les deux saisons représente l’approche la plus rentable mais la plus exigeante en termes de gestion. Elle nécessite une présence ou un relais local efficace, une stratégie marketing adaptée à chaque saison et une grande réactivité.

Le recours à un gestionnaire professionnel ou à une agence immobilière locale connaissant bien les spécificités des deux saisons peut constituer un bon compromis. Ces professionnels maîtrisent les calendriers optimaux, les tarifs appropriés et disposent d’une clientèle fidélisée.

Les formules de bail commercial avec des opérateurs touristiques se développent également pour la double saisonnalité. Ces contrats, moins rémunérateurs mais plus sécurisants, évoluent pour intégrer des clauses spécifiques aux deux saisons, avec parfois des taux de remplissage garantis différenciés.

En termes de rentabilité, un bien exploité efficacement sur deux saisons peut atteindre des taux de rendement brut de 5% à 7%, contre 3% à 5% pour une exploitation mono-saisonnière. Cette amélioration s’explique par l’augmentation du taux d’occupation annuel, qui peut passer de 12-16 semaines pour une exploitation hivernale seule à 22-30 semaines pour une exploitation sur deux saisons.

Pour les investisseurs cherchant à combiner usage personnel et rentabilité, la double saisonnalité offre une flexibilité accrue. Elle permet par exemple de profiter personnellement du bien en hiver tout en le rentabilisant en été, ou inversement, selon les préférences familiales.

Défis de gestion et solutions pratiques

Exploiter un bien immobilier sur deux saisons distinctes présente des défis spécifiques en termes de gestion. Des solutions adaptées permettent de transformer ces contraintes en avantages compétitifs.

Gestion des transitions entre saisons

Les périodes de transition entre saisons constituent un enjeu majeur. Ces phases nécessitent une organisation minutieuse :

La fermeture hivernale implique des opérations spécifiques : vidange du système de chauffage si nécessaire, protection des meubles de jardin, vérification de l’étanchéité, mise en place d’une ventilation adaptée pour éviter les problèmes d’humidité.

La préparation estivale nécessite d’autres interventions : rangement des équipements hivernaux, installation des mobiliers d’extérieur, vérification des systèmes de ventilation ou climatisation, entretien des espaces verts.

Ces transitions représentent des périodes propices pour réaliser les travaux d’entretien et de rénovation. Planifier ces interventions pendant les saisons intermédiaires (avril-mai ou octobre-novembre) permet de ne pas impacter la rentabilité locative.

La gestion des stocks de linge et des consommables doit également être adaptée aux spécificités de chaque saison : couettes plus épaisses en hiver, plus légères en été, provision de bois pour la cheminée en hiver, équipements de jardin en été.

Marketing différencié selon les saisons

La commercialisation d’un bien en double saisonnalité exige une approche marketing distincte pour chaque période :

Les canaux de distribution peuvent varier selon les saisons. Si les grandes plateformes de location saisonnière (Airbnb, Abritel, Booking) sont incontournables toute l’année, certains sites spécialisés ciblent spécifiquement les amateurs de sports d’hiver ou les randonneurs estivaux.

Le calendrier de commercialisation diffère également : les réservations hivernales se font généralement très en amont (jusqu’à un an à l’avance pour les périodes de vacances scolaires), tandis que les séjours estivaux, souvent plus courts, peuvent être réservés à des échéances plus proches.

La communication visuelle doit être adaptée à chaque saison. Maintenir deux jeux de photographies professionnelles – l’un mettant en valeur le bien sous la neige et son accès aux activités hivernales, l’autre soulignant son charme estival et ses espaces extérieurs – s’avère indispensable.

Les descriptions et argumentaires nécessitent également une adaptation saisonnière, mettant en avant tantôt la proximité des pistes, tantôt celle des sentiers de randonnée ou des activités culturelles estivales.

Optimisation des équipements et services

Pour séduire les clientèles des deux saisons, certains équipements et services se révèlent particulièrement stratégiques :

Les équipements polyvalents représentent un investissement judicieux : un local à ski convertible en local à vélos, un séchoir à chaussures utilisable pour les chaussures de randonnée, des rangements modulables.

L’aménagement extérieur, souvent négligé dans les biens de montagne traditionnellement orientés vers l’hiver, devient un atout majeur pour la saison estivale. Un balcon bien exposé, une terrasse équipée, un jardin même modeste peuvent faire la différence dans le choix des vacanciers d’été.

Les services complémentaires adaptés à chaque saison renforcent l’attractivité du bien : partenariats avec des loueurs de matériel de ski en hiver, avec des accompagnateurs en montagne en été, mise à disposition de cartes de randonnée, d’un barbecue pour la saison estivale, etc.

La connectivité devient un critère déterminant quelle que soit la saison. Un accès internet fiable et rapide, initialement recherché par les vacanciers d’hiver pour consulter les bulletins d’enneigement ou travailler à distance, est désormais tout aussi valorisé en été, notamment avec l’essor du télétravail qui permet d’allonger les séjours.

Face à ces défis de gestion, de nombreux propriétaires optent pour des solutions professionnelles. Les conciergeries spécialisées dans les biens de montagne ont développé une expertise spécifique de la double saisonnalité, proposant des forfaits adaptés incluant les transitions saisonnières. Ces services, bien que représentant un coût supplémentaire (généralement entre 15% et 30% des revenus locatifs), permettent une exploitation optimisée sur l’ensemble de l’année.

Perspectives et évolutions du marché face au changement climatique

L’immobilier montagnard se trouve à un tournant de son histoire. Le changement climatique et les évolutions sociétales transforment profondément les équilibres établis, renforçant l’importance de la double saisonnalité tout en modifiant ses contours.

Impact du changement climatique sur les deux saisons

Le réchauffement global affecte différemment les saisons en montagne :

Pour la saison hivernale, les conséquences sont déjà visibles : remontée de la limite pluie-neige, raccourcissement de la durée d’enneigement naturel, variabilité accrue des conditions. Ces phénomènes touchent inégalement les massifs et les altitudes. Les stations situées sous 1500 mètres connaissent une vulnérabilité croissante, tandis que les domaines de haute altitude bénéficient d’un avantage comparatif renforcé, malgré des coûts d’exploitation en hausse (production de neige de culture, entretien des pistes).

Pour la saison estivale, les effets sont plus contrastés. L’allongement potentiel de la saison chaude constitue une opportunité, avec des périodes propices aux activités de plein air s’étendant d’avril-mai à octobre dans certaines régions. Cependant, les épisodes caniculaires, les risques accrus d’incendies et le recul des glaciers modifient l’attractivité de certains sites et activités emblématiques.

Ces évolutions climatiques se traduisent directement sur le marché immobilier. Une redistribution des valeurs s’opère, favorisant :

  • Les biens situés dans des stations de haute altitude ou sur des versants bien exposés
  • Les propriétés bénéficiant d’un accès facile à des activités diversifiées, moins dépendantes des conditions d’enneigement
  • Les logements dans des stations ayant investi dans des infrastructures adaptables aux deux saisons

À l’inverse, les biens situés dans des stations mono-activité, fortement dépendantes de l’enneigement naturel et n’ayant pas développé d’attractivité estivale, connaissent une dévaluation progressive.

Évolution des attentes et nouveaux segments de marché

Au-delà des facteurs climatiques, les attentes des acquéreurs et vacanciers évoluent, créant de nouvelles opportunités :

L’aspiration à un cadre de vie naturel et préservé s’est considérablement renforcée depuis la crise sanitaire. La montagne, perçue comme un espace de liberté et de ressourcement, attire une clientèle nouvelle, moins focalisée sur les activités sportives traditionnelles et plus intéressée par l’environnement, le bien-être et l’authenticité.

Le développement du télétravail transforme profondément les usages des résidences secondaires. Les propriétaires peuvent désormais envisager des séjours plus longs, répartis tout au long de l’année, alternant périodes de travail à distance et loisirs. Cette tendance favorise les biens offrant un espace de travail dédié, une connexion internet performante et une accessibilité relativement aisée depuis les grandes agglomérations.

La mobilité douce devient un critère de choix déterminant. Les stations accessibles en train, proposant des solutions de mobilité interne sans voiture (navettes, remontées mécaniques ouvertes l’été, services de location de vélos électriques) gagnent en attractivité auprès d’une clientèle sensible aux questions environnementales.

Ces évolutions dessinent de nouveaux segments de marché particulièrement dynamiques :

Les résidences semi-principales en moyenne montagne, permettant d’alterner vie urbaine et séjours prolongés en altitude, connaissent une demande croissante, notamment dans des massifs comme le Vercors, les Bauges ou le Jura, relativement proches de grandes agglomérations.

Les biens atypiques (chalets d’alpage rénovés, granges transformées, éco-lodges) offrant une expérience distinctive et un rapport privilégié à la nature séduisent une clientèle en quête d’authenticité et prête à s’éloigner des standards du tourisme de masse.

Les projets collectifs innovants, comme les résidences en copropriété intégrant des espaces et services partagés (conciergerie, espace bien-être, potager collectif), répondent aux aspirations communautaires d’une clientèle souhaitant concilier propriété privée et partage d’expériences.

Vers un modèle de tourisme montagnard plus durable

Face à ces transformations, un nouveau modèle de développement touristique et immobilier émerge en montagne :

La rénovation du parc existant prend le pas sur les constructions neuves. Les contraintes réglementaires croissantes sur l’artificialisation des sols, les exigences de performance énergétique et l’évolution des goûts favorisent la réhabilitation qualitative du bâti existant plutôt que l’extension des zones urbanisées.

Les stations pionnières dans la transition vers un modèle quatre saisons démontrent la viabilité de cette approche. Des destinations comme Chamonix, Les Gets ou Serre Chevalier ont réussi à équilibrer leur fréquentation annuelle et à maintenir une dynamique immobilière positive malgré les incertitudes climatiques.

Les politiques publiques accompagnent cette mutation. Des dispositifs comme les Contrats de Relance et de Transition Écologique (CRTE) ou les programmes Avenir Montagnes soutiennent financièrement la diversification des activités et la rénovation énergétique des hébergements touristiques.

Pour l’investisseur averti, ces évolutions suggèrent plusieurs orientations stratégiques :

Privilégier les stations ayant démontré leur capacité d’adaptation et leur vision à long terme, avec des investissements dans des infrastructures et animations fonctionnant toute l’année.

Considérer l’efficacité énergétique comme un critère d’investissement prioritaire, anticipant des réglementations plus strictes et des attentes accrues des locataires sur ce point.

Intégrer dans les calculs de rentabilité une prime de risque différenciée selon l’altitude et l’exposition du bien, reflétant sa vulnérabilité au changement climatique.

S’intéresser aux opportunités de rénovation dans des secteurs traditionnellement moins valorisés mais disposant d’atouts naturels et culturels propices à un développement quatre saisons.

La double saisonnalité, initialement perçue comme un simple moyen d’améliorer la rentabilité des investissements, devient ainsi un modèle de développement territorial plus résilient et durable. Les stations et les investisseurs qui l’ont compris et anticipé cette évolution se trouvent aujourd’hui en position favorable face aux défis considérables que le changement climatique pose à l’économie montagnarde traditionnelle.

Témoignages et cas pratiques : réussir son investissement en double saisonnalité

Pour illustrer concrètement les stratégies gagnantes en matière d’immobilier de montagne à double saisonnalité, examinons quelques cas réels et les enseignements qu’on peut en tirer.

Parcours d’investisseurs : succès et écueils

L’expérience de Marc et Sophie, propriétaires d’un chalet rénové à La Clusaz, est révélatrice des opportunités offertes par la double saisonnalité. « Nous avons acheté en 2015 un ancien chalet d’alpage situé à mi-chemin entre le centre du village et les pistes. Sa situation, qui pouvait sembler un inconvénient en hiver car pas directement au pied des remontées, s’est avérée idéale en été grâce à son environnement préservé et sa proximité des sentiers de randonnée », explique Marc.

Leur approche s’est concentrée sur une rénovation qualitative valorisant les atouts pour les deux saisons : « Nous avons créé une grande terrasse orientée sud-ouest avec vue panoramique, aménagé un espace wellness avec sauna utilisable toute l’année, et conçu un local technique convertible pour les équipements de ski en hiver et les VTT en été. » Résultat : un taux d’occupation de 85% en hiver et 65% en été, avec un rendement brut annuel de 6,8%.

À l’inverse, Thomas, propriétaire d’un studio de 28m² dans une résidence de tourisme à Val Thorens, illustre les limites d’un investissement mono-saisonnier : « Malgré l’altitude qui garantit l’enneigement, la station est pratiquement déserte en été. Mon bien n’est occupé que 16 semaines par an, principalement entre décembre et avril. La rentabilité reste correcte grâce aux tarifs élevés en haute saison, mais les charges fixes pèsent lourd sur 8 mois d’inactivité. »

L’expérience de Nathalie, qui a investi dans un appartement à Samoëns, souligne l’importance d’une analyse fine de la localisation : « J’ai choisi cette station pour sa double saisonnalité équilibrée et son accessibilité depuis Genève. L’appartement est situé en centre-village, ce qui semblait idéal pour l’été. Mais j’ai sous-estimé l’importance pour les skieurs d’être près des remontées mécaniques. J’ai dû compenser ce désavantage hivernal en proposant un service de navette privée vers les pistes, ce qui a considérablement amélioré mes réservations en hiver sans nuire à l’attractivité estivale. »

Analyse comparative de rentabilité sur des cas concrets

Pour illustrer les différences de performance économique, comparons trois biens similaires (chalets 3 chambres de 100m²) situés dans trois contextes différents :

  • Bien A : Situé à Tignes (2100m), station à dominante hivernale. Prix d’acquisition : 750 000€
  • Bien B : Situé à Morzine (1000m), station à double saisonnalité. Prix d’acquisition : 680 000€
  • Bien C : Situé dans le Vercors (1200m), région à dominante estivale. Prix d’acquisition : 420 000€

Les revenus locatifs annuels et les taux d’occupation révèlent des modèles économiques distincts :

Le Bien A génère 38 000€ de revenus locatifs bruts annuels, avec une occupation de 18 semaines en hiver (tarif moyen 2300€/semaine) et seulement 4 semaines en été (tarif moyen 900€/semaine), soit un rendement brut de 5,1%.

Le Bien B produit 42 000€ de revenus locatifs bruts, avec une occupation de 15 semaines en hiver (tarif moyen 1900€/semaine) et 12 semaines en été (tarif moyen 1200€/semaine), soit un rendement brut de 6,2%.

Le Bien C génère 28 000€ de revenus locatifs bruts, avec une occupation de 8 semaines en hiver (tarif moyen 1100€/semaine) et 16 semaines en été (tarif moyen 1300€/semaine), soit un rendement brut de 6,7%.

Cette comparaison met en lumière plusieurs enseignements :

La double saisonnalité équilibrée (Bien B) offre le meilleur compromis entre niveau de revenus absolus et rendement.

Le bien en station d’altitude (Bien A) génère des revenus hivernaux très élevés mais souffre d’une sous-exploitation estivale.

Le bien en moyenne montagne orientée été (Bien C) présente le meilleur rendement grâce à un prix d’acquisition plus modéré, mais des revenus absolus plus limités.

Sur le long terme, la valorisation patrimoniale suit des trajectoires différentes : le Bien B a connu une appréciation de 28% en 5 ans, contre 18% pour le Bien A et 23% pour le Bien C, illustrant la prime de marché accordée aux biens bénéficiant d’une double saisonnalité équilibrée.

Conseils pratiques des professionnels du secteur

Jérôme Martin, agent immobilier spécialisé dans les Alpes du Nord, partage son expérience : « Les acheteurs sous-estiment souvent l’importance des micro-localisations. Dans une même station, les dynamiques été/hiver peuvent varier considérablement d’un hameau à l’autre. Je recommande toujours de visiter le bien aux deux saisons avant d’acheter, ou au minimum de se renseigner précisément sur l’environnement estival si la visite a lieu en hiver, et inversement. »

Carole Durand, gestionnaire de locations saisonnières à Serre Chevalier, souligne l’importance de la présentation commerciale : « Nous réalisons systématiquement deux séances photos professionnelles, une en conditions hivernales, une en été. Nous adaptons complètement les descriptifs et mettons en avant des atouts différents selon les saisons. Cette stratégie de double communication a permis d’augmenter le taux d’occupation estival de nos biens de plus de 40% en trois ans. »

Philippe Leblanc, architecte spécialisé dans la rénovation de biens de montagne, insiste sur la conception adaptée : « La clé d’un bien performant en double saisonnalité réside dans sa modularité. Nous concevons des espaces transformables : une entrée spacieuse avec rangements pour les équipements sportifs, des espaces extérieurs protégés utilisables même en demi-saison, des systèmes de chauffage réversibles. Ces éléments représentent un surcoût à la construction ou à la rénovation d’environ 10%, mais permettent d’accroître le potentiel locatif de 30 à 40%. »

Pour les propriétaires envisageant de développer leur activité locative estivale, Marie Bertrand, consultante en tourisme, recommande : « Commencez par identifier les activités estivales à proximité de votre bien et créez des partenariats avec les prestataires locaux. Proposez des ‘packs expérience’ incluant hébergement et activités : stage de trail, découverte de la faune alpine avec un guide, initiation à la gastronomie locale… Ces offres thématisées permettent de se démarquer et d’attirer une clientèle spécifique, prête à réserver plus longtemps à l’avance. »

Enfin, Laurent Dupuy, fiscaliste spécialisé dans l’immobilier touristique, attire l’attention sur les aspects juridiques et fiscaux : « La location en double saisonnalité peut modifier la qualification fiscale de l’activité. Un bien loué plus de 23 semaines par an peut relever du régime de la location meublée professionnelle (LMP), avec des conséquences significatives en termes d’imposition des revenus et de plus-values. Il est primordial d’anticiper ces aspects et de structurer son investissement en conséquence. »

Ces témoignages et analyses confirment que la réussite d’un investissement en double saisonnalité repose sur une combinaison de facteurs : choix judicieux de l’emplacement, conception adaptée du bien, stratégie commerciale différenciée et gestion optimisée. Les propriétaires qui parviennent à maîtriser ces différentes dimensions obtiennent non seulement une meilleure rentabilité, mais aussi une plus grande résilience face aux aléas climatiques et économiques qui peuvent affecter le marché immobilier montagnard.